International
Donald Trump

Michael Cohen, le «pitbull» qui veut exterminer Trump

Le «pitbull» de Trump se retourne contre son maître
Michael Cohen s'apprête à témoigner contre son ex-mentor.image: keystone, montage: fred valet

Le «pitbull instable» est appelé pour exterminer Donald Trump

Après avoir fait le sale boulot du 45e président des Etats-Unis, l'ex-avocat Michael Cohen n'a plus qu'une seule idée en tête: faire tomber son ancien mentor. Il sera entendu, dès ce lundi, dans le cadre du procès pour paiements dissimulés. Portrait d'un témoin à la fois capital et capricieux, qui fut chargé (entre autres) d'ériger une Trump Tower en face du Kremlin.
03.01.2024, 20:4913.05.2024, 12:04
Suivez-moi
Plus de «International»

Une loyauté qui confinait à l'obsession. Il aurait pu crever pour son patron, à savoir le 45e président des Etats-Unis. Prendre «une balle pour lui». De 2006 à 2018, de la Trump Tower à la Maison-Blanche, de New York à Washington, l'homme de main ne vivait que pour et par le célèbre magnat de l'immobilier. Jusqu'à investir dans ses affaires, tremper dans ses magouilles et dormir dans ses penthouses.

«Si quelqu'un fait quelque chose que M. Trump n'aime pas, si vous faites quelque chose de mal, je vais venir vers vous, vous attraper par le cou et je ne vous lâcherai pas tant que je n'aurai pas fini»
Michael Cohen, en 2011, à la chaîne ABC.

Aujourd'hui âgé de 57 ans, Michael Cohen a retourné sèchement toutes les vestes qui pendent dans son dressing et n'a plus qu'un seul objectif (ou presque), détruire Donald Trump. Pourquoi tant de haine, après lui avoir léché l'arrière-train pendant près de vingt ans? Disons surtout que l'aller-retour en prison, que cet avocat gommé du barreau depuis 2018, est un premier indice. En clair, l'homme de confiance est tombé à la place du messie.

Dès lundi, il aura peut-être de quoi satisfaire son appétit de vengeance, puisqu'il est entendu comme témoin clé dans l'affaire des 130 000 dollars versés à l'actrice porno Stormy Daniels pour juguler sa relation avec le milliardaire. Son témoignage est de loin la munition la plus dangereuse, dans le barillet du procureur de Manhattan. De leur côté, les avocats de la défense sont prêts à sortir les crocs, pour régler son compte à ce «menteur notoire», qui a une «obsession pour s’en prendre au président Trump».

Pour le procureur, le défi sera de le rendre crédible face au jury, lui qui a son lot de casseroles judiciaires. Alors qu'il connait le système Trump sur le bout des doigts, Cohen pourrait également se tirer une balle dans le pied s'il venait à être considéré comme un simple renégat assoiffé de vengeance.

Le fabulateur en série

Car ses propres galères judiciaires ne sont pas terminées. En fin d'année 2023, alors qu'il réclamait la fin du contrôle judiciaire qu'il trimballe depuis sa condamnation pour violations de financement de campagne en 2018, ce «menteur pathologique» a été pris la main dans une grosse combine: peu avant l'audience au tribunal fédéral de Manhattan, Michael Cohen a donné «par erreur», et à son propre avocat, de fausses citations juridiques bidouillées par l'outil d'intelligence artificielle Google Bard.

Tout en clamant sa bonne foi, jurant ne pas connaître le programme incriminé, l'ancien conseiller personnel de Trump a demandé «au juge de faire preuve de discrétion et de miséricorde», selon le New York Times. En vain.

Quelques jours plus tard, le coup d'assommoir: son appel sera rejeté, alors qu'il prétendait avoir été jeté à l'isoloir, en 2020, pour le «faire taire», sur ordre direct du président Trump. Au total, Michael Cohen passera effectivement seize jours dans une cellule miteuse, «vingt-trois heures et demie sur vingt-quatre, avec une très mauvaise ventilation et sans climatisation», ont tout de même reconnu les juges, à l'époque.

Ce sera malgré tout insuffisant pour faire porter le chapeau au candidat républicain, bien que l'ex-avocat s'apprêtait à «révéler toute la vérité sur Donald Trump», dans un brûlot où il finit par l'affubler de noms d'oiseaux désormais ordinaires, tels que «menteur», «incompétent», «égocentrique» et «raciste».

«Juste après la mort de Mandela, en 2013, Trump m’a demandé de lui citer un pays dirigé par un Noir qui n’était pas un trou du cul. Et j’ai cité les États-Unis. Il m’a répondu "va te faire foutre"»
Michael Cohen, sur MSNBC, fin 2020.

Le clan Trump s'était bien sûr empressé de déguster, avec une bonne dose de bave aux lèvres, la défaite de celui qui fut, jadis, le «pitbull» et le «réparateur» du milliardaire. Et c'est l'actuelle avocate du candidat, Alina Habba, qui va se jeter en premier sur la proie.

Même si Cohen envisage d'escalader la Cour suprême, ses chances de poursuivre personnellement son ex-papa de cœur sont aussi dérisoires que ses réussites, en cinquante-sept années d'une existence chaotique. Une chute lente, mais vertigineuse, pour cet homme qui vouait un culte immense à Donald Trump et ce, dès le début de ses études de droit, après avoir dévoré deux fois son bouquin The Art of The Deal. Oui, comme un gamin qui idolâtre LeBron James et finit par se faufiler dans le maillot des Lakers.

Une famille d'escrocs

C'est l'histoire d'un amour déséquilibré et d'une passion qui aveugle, démarrée par une courtisanerie purement pécuniaire. En 2001, Michael Cohen investit son premier million dans la Trump World Tower, puis cinq de plus dans la fameuse Trump Tower. De quoi alerter l'ego du promoteur, alors petit prince de l'immobilier new-yorkais. En décembre 2006, Donald Trump finit par engager ce fils de déporté des camps de la mort, pour une seule et unique compétence qui ne surprendra personne: sa passion pour Donald Trump.

Image

Pour Cohen, obtenir son badge d'entrée pour cet empire financier que rien n'arrête (du moins à l'époque), relèvera de la consécration. Car depuis toujours, passablement de voyous à la petite semaine gravitent dans son sillon. Alors que son oncle médecin a gagné sa vie en soignant les membres des mafias russes et siciliennes depuis son QG baptisé El Caribe à Brooklyn, son beau-père d'origine ukrainienne fut condamné pour blanchiment d'argent par l'intermédiaire d'une compagnie de taxis. Sans oublier que son tout premier associé, également ukrainien, trébuchera très vite pour malversation financière. De quoi façonner un esprit digne des pires romans policiers.

Ami-ami avec Poutine?

Mais ses plus grands pieds dans le plat sont à dénicher du côté russe de la force. Plus précisément en face du Kremlin, où notre homme fut chargé de mener à bien le projet de construction d'une Trump Tower moscovite. Et d'y installer personnellement (et gratuitement) Vladimir Poutine, dans un penthouse estimé à 50 millions de dollars, histoire d'offrir une aura planétaire à ce building qui... ne se fera jamais. Ce qu'il réussira à faire, en revanche, c'est un boucan d'enfer.

Si le fantasme de faire bander une tour tout à côté du pouvoir russe trotte dans la tête de Donald Trump depuis les années huitante, le projet mené maladroitement par Cohen s'inscrit dans une polémique autrement plus large: le Russiagate. Autrement dit, les forts soupçons de fricotages entre le Kremlin et des membres de la campagne présidentielle de 2016. Ce n'est d'ailleurs un secret pour personne, Trump a toujours porté Poutine en estime pour sa capacité à «gérer la Russie comme une société».

Dans cette histoire, le Washington Post révélera notamment que le «pitbull» a envoyé un e-mail à Dmitri Peskov, en janvier 2016. Soit dix mois avant l'élection présidentielle. Ce qui reste, encore aujourd'hui, «la communication la plus directe entre un haut collaborateur de Donald Trump et un membre tout aussi haut placé du gouvernement de Vladimir Poutine».

A l'époque, Cohen se justifiera:

«Au cours des derniers mois, j'ai travaillé avec une entreprise basée en Russie concernant le développement d'un projet baptisé Trump Tower-Moscow et ce n'est en aucun cas lié à la campagne présidentielle»
La tour de Trump à Moscou qui ne se fera jamais.
La tour de Trump à Moscou qui ne se fera jamais.wall street journal

Une initiative qu'il avait prise à l'époque grâce au conseil peu avisé d'un copain d'enfance, un certain Felix Sater. Un bandit, un homme d'affaires ou encore un «agent secret» américano-russe, qui fricote avec la mafia de son pays et s'est déjà retrouvé quelques mois en prison pour avoir planté un pied de verre de margarita dans le visage d'un coéquipier de biture.

Felix Sater fut surtout l'un des atouts du milliardaire de Mar-a-Lago et l'intermédiaire idéal pour Cohen, dans cette épopée boitillante de la Trump Tower-Moscow.

Trump, aux côtés de Felix Sater, en 2007 à New York.
Trump, aux côtés de Felix Sater, en 2007 à New York.

Alors que Felix dit avoir joué un rôle prépondérant dans la traque d'Oussama ben Laden, ses récits fous seront partiellement reconnus par les juges fédéraux, en 2009, qui salueront un «coopérateur exemplaire qui a travaillé avec diligence pour faire avancer les objectifs des missions auxquelles il était affecté». Lunaire? Oui, un chouïa.

En 2015, Felix Sater torchera un e-mail à Michael Cohen, gorgé d'emphase et révélé par le New York Times: «Mon pote, notre garçon peut devenir président des États-Unis et nous pouvons le mettre en place». En d'autres termes, si la Trump Tower de Poutine se concrétise, «cela permettra l'élection de Donald». Un immense bourbier qui poussera notre ex-avocat à mentir devant les juges en 2018, alors qu'il fut à deux doigts, deux ans plus tôt, de rencontrer le président russe et son premier ministre Dmitri Medvedev. Pour l'anecdote (furieusement trumpienne), l'accord initial pour la construction de cette tour luxueuse prévoyait de la baptiser... Ivanka.

En octobre dernier, alors qu'il témoignait une première fois contre son ancien mentor dans le cadre du procès de la Trump Organization, il a affirmé qu'il était «chargé par M. Trump d'augmenter la valeur du patrimoine, sur la base d'un chiffre qu'il fixait arbitrairement». Pour le candidat républicain, Michael Cohen n'existe simplement plus, comme à chaque fois qu'un ancien apôtre lui défait violemment la paix:

«C'est un menteur. Il ment tout le temps. Il essaie d'arranger ses affaires, mais ça ne va pas marcher»
Trump au sujet de Michael Cohen?

L'hôpital qui se fout de la charité? On en saura plus cette semaine. Son témoignage clé à New York marque aussi la dernière ligne droite du procès pénal contre le candidat républicain.

Cet imitateur est venu troller Donald Trump
Video: watson
Ceci pourrait également vous intéresser:
0 Commentaires
Comme nous voulons continuer à modérer personnellement les débats de commentaires, nous sommes obligés de fermer la fonction de commentaire 72 heures après la publication d’un article. Merci de votre compréhension!
Kiev vient de trouver 3000 soldats en imitant Moscou
Plus de 3000 prisonniers ukrainiens ont demandé à rejoindre l'armée, suivant une nouvelle loi pour mobiliser plus de combattants contre l'invasion russe.

Plus de 3000 personnes emprisonnées en Ukraine ont demandé à combattre dans les forces armées, a déclaré mardi une responsable, en vertu d'une nouvelle loi visant à mobiliser plus de combattants pour lutter contre l'invasion russe.

L’article